samedi 11 novembre 2017

Midelt Medical

Médecine traditionnelle pré-coloniale

Les puissances occultes
Comme partout au Maroc, les berbères d'Outat et sa région, croyaient si profondément en des puissances occultes. Les Imazighens de ces contrées revendiquent leur islam sans oublier leur croyances ancestrales ancrées depuis plusieurs siècles dans leurs âmes. Pour eux les jnouns(Ait Rebbi) vivent dans un monde parallèle à celui des humains.
Les Ait Rebbi peuvent être bienveillants ou méchants. Ils sont dans la croyance surtout féminine, omniprésents près de l'eau et du feu. Ils vivent dans les puits, les fontaines, les seguias, les égouts et dans les almessis ( réchauds). Les malheureux qui les dérangent dans leur activité ou dans leur sommeil, sont, toujours selon ces croyances, roués de coups ou frappés d'un mal mystérieux .
Pour se prémunir contre ces dangers, les femmes évitent de provoquer « ait rebbi » en s'abstenant de verser de l'eau chaude dans leurs demeures, d'enjamber une seguia le soir. Des formules magiques sont aussi prononcées comme « khamsa ou khmiss ». Elles usent également de talismans, des amulettes et des fumigations. Les produits les plus utilisés dans ces fumigations sont le fassoukh (mélange résineux dégageant une odeur nauséabonde) ; le harmal est aussi employé, mélangé à l'alun et au benjoin.
Le deuxième danger, toujours selon les croyances de ces contrées, est le mauvais œil. Un regard envieux ou jaloux peut provoquer divers malheurs : fatigue, amaigrissement, accouchement prématuré, perte d'un amoureux, divorce, faillite etc... Le mauvais œil, selon ces croyances, peut toucher tout le monde : hommes et femmes, enfants et vieillards. Les petits enfants, les jeunes mariés, la femme enceinte seraient particulièrement vulnérable. Pour dévier la trajectoire des regards malfaisants, les berbères usent des amulettes et des talismans. Elles utilisent la main de fatma. Un autre procédé largement utilisé consiste à mettre dans les jardins, à l'entrée des maisons, sur les voûtes des portes des objets tels que le fer à cheval( tissilt) ou une marmite noire( taqdouht ou tassilt). Le henné et le tatouage étaient également utilisés pour repousser le mauvais œil.
Le culte des saints:
La population d'Outat, comme les masses populaires rurales croyaient obstinément au pouvoir d'intercesseur des marabouts (igouramenes) dont la sépultures attirait des pèlerinages. L'Outat avait des saints locaux et des saints régionaux.
Les sépultures des locaux sont, au nombre d'une dizaine, concentrées dans la vallée d'Outat : Sidi Youssef (à Tatiouine), Sidi Mohamed Ouboubker (à Tisouit), Sidi El Mandri (à Berrem), Timrirt (à Tizi n'Taoucht -Guerouane), Lalla Khadija et Sidi Othmane (à Bouzemella), Sidi Mohamed Oulhaj (à Aït Ouafella), Sidi Mohamed (à Athmane Ou Moussa), Ait Sidi Lahbib (Sidi Lahbib sidi El Maâti, Guerouane) Moulay Abdelkader (à Tachaouit).
Les saints régionaux avaient de leur vivants un ascendant sur les habitants d'Outat. Il s'agit de Sidi Mohamed El Arbi, dont la sépulture est à Assoul; et des Chorfas Hamzaoui dont le sanctuaire est à zaouiat Sidi Harnza. Tous ces saints étaient, selon la tradition orale, de leur vivant des hommes de bien (Salihines). Ils étaient de grande piété, de vertu élevée, sages et souvent lettrés. Ils étaient censés détenir , selon les croyances locales, un certain nombre de dons surtout pour le soin des maladies mentales ; convulsions, épilepsie, hystérie (leryah). On leur attribuait également le pouvoir de régler les problèmes de cœur et d' intervenir dans la stérilité et favoriser les ménages.
Le sanctuaire des saints est un lieu de rencontre très important. On y va en pèlerinage et on y sacrifie. Dans certains sanctuaires comme celui de Lalla Khadija et Sidi Othmane, on pratiquait des transes extatiques (hadra). Nous constatons que même aujourd'hui, ces saints sont toujours sollicités pour leur «baraka». Il faut souligner que l'Islam orthodoxe taxe ces pratiques d'associationnisme (cherk billah). En effet dans l'Islam, il n'y a pas d'intercession entre l'individu et Dieu.
En plus de la médecine empirique transmise oralement, de génération en génération, depuis la nuit des temps, il y avait dans l’Outat, un autre courant médical traditionnel, la médecine du prophète prodiguée par le taleb ou fquih. les remèdes qu’elle utilise sont naturels tels que le miel, le nigelle, le hénné, le cresson alénois, le séné, plus d’autres plantes spécifiques à la région ( terrehla, touya nsem..). Le fquih utilise également des moyens surnaturels, il est grand prescripteur d’amulettes et de talismans.
Il faut noter que la médecine moderne,même aujourd’hui encore, n’a pas supplanté , loin s’en faut, la médecine traditionnelle, puisqu’un nombre considérable d’enfants naissent toujours sur les mains des accoucheuses traditionnelles , Qablates, et les boutiques des herboristes ( âchabs) côtoient toujours les officines modernes.
Installation de la Médecine Moderne dans la ville de Midelt: Clin d’œil Historique
Au début du protectorat, l’un des rouages primordiaux de la pénétration pacifique française était l’organisation d’un système sanitaire dans tout le pays. Ce système était basé sur la création de dispensaires dans les villes et des infirmeries indigènes dans les campagnes. les régions insoumises étaient parcourues par des missions militaires. Le médecin militaire avait un rôle clé dans l’entrée française au Maroc comme en témoigne les archives militaires françaises: “ les médecins militaires pouvaient être les meilleurs agents de renseignement et les hommes les plus aptes à gagner la reconnaissance des populations”
Dès le début du protectorat, le résident général Lyautey insistait sur le rôle du médecin dans la pacification du Maroc. Les éloges qu’il faisait au médecin sont très nombreux: “ le toubib, j’aime ce nom, celui la que donne les indigènes à ces médecins aussi courageux que savants, aussi modestes que dévoués et qui demeurent les meilleurs ouvriers de l’œuvre coloniale française”.
Il a également dit: “ un médecin en campagne vaut un bataillon” Tout était mis en œuvre pour faire accepter l’occupation.
Avant l’entrée des français dans le moyen et le haut Atlas, il n’y avait dans ces régions ni hôpital ni médecins. Les branches salvatrices de la médecine, la prévention, l’hygiène et la thérapeutique moderne étaient inconnues dans le Haute Moulouya Orientale. Chez les Ait Izdeg, à l’époque, le malade ne se lavait , ne rasait pas son crâne et ne touchait pas à l’eau avec ses mains( 64). A cette époque au Maroc, la vaccination n’était pas connue, aussi la variole et les maladies des mains sales : la typhoïde, le choléra ainsi que le typhus exanthématique se manifestèrent par des épidémies meurtrières.
Dès leur arrivée à Midelt, les Français installèrent une infirmerie indigène non loin de Ksar Athmane ou Moussa, Ksar Ikhremjioune ( là ,où il y a les pompiers aujourd’hui). En février 1924, le Dr Paul Chatinière est affecté comme Médecin Chef sanitaire de Midelt où il demeura jusqu’en 1928 ( voir annexes). A cette époque, selon Geneviève Quiriny- Duckerts: “ Midelt comptait 2500 âmes” . En cette période, selon le témoignage de Sœur Simone Bocognano: “ les européens, familles des militaires , des fonctionnaires et des ingénieurs de la ville sont une centaine, groupés par mesure de prudence, près des postes militaires ( la Strass de Tachiouine)”
Après Rabat, Casablanca, Meknès, Fès, Marrakech, la petite ville de Midelt accueille en 1926 , à la demande de l’aumônier militaire Le Père Lucien Dané , six sœurs franciscaines. Les soeurs s’occupaient de l’atelier de tissage qui venait d’être crée en 1925 par l’épouse du Colonel protestant qui allait partir hors de Midelt. Elles se mettaient également à soigner les malades dans l’infirmerie indigène et à effectuer des visites à domicile.
Bien avant la création de la tente itinérante par Sœur Cécile ( voir annexes) , les premières sœurs franciscaines n’hésitaient pas pour atteindre les ksour lointains à prendre le moyen de
locomotion de l’époque: le mulet ou l’âne. Au fil du temps, les sœurs avaient installé un orphelinat et un dispensaire près de la kasbah Meryem.
La population d’Outat qui était réticente au départ à accepter la médecine moderne était vite conquise par ces étrangères qui soignaient si bien par le peu de médicaments quelles avaient à leur disposition et surtout, par leur sourire et leur baume humanitaire. Les ksouriens avaient rapidement compris que ces étrangères qui n’hésitaient pas à aider les nécessiteux et les malades des casbahs étaient là pour les aider. Aussi, elles leur décernaient affectueusement l’épithète de Timraboutines ( les saintes).
L’œuvre sociale et médicale des sœurs franciscaines à Midelt continue encore aujourd’hui avec la même ardeur des débuts. Elle est toujours empreinte d’abnégation.
A la fin des années 30, une véritable infirmerie s’est créée à Midelt, non loin de la caserne militaire ( là où il y a aujourd’hui, l’internat et le laboratoire de l’hôpital)
En cette période, le Maroc a connu une sévère sécheresse et l’épidémie de typhus avait touché pratiquement tout le pays. Midelt, selon plusieurs témoignages, n’a pas été épargnée.
Disons un mot sur cette maladie meurtrière qui tuait régulièrement nos concitoyens avant la venue de l’antibiothérapie et de la vaccination.
Le typhus est une maladie bactérienne qui se transmet surtout par le poux du corps humain et ce d’autant plus rapidement que les conditions d’hygiène sont déplorables. Les médecins pratiquants au Maroc au moment du protectorat la surnommaient la maladie de la misère humaine. Le typhus s’épanouit à loisir au moment des guerres, de la sécheresse et de la famine. Le typhus exanthématique est une maladie très graves, les spécialistes avaient évalué sa mortalité à 35%. Il se manifeste par un frisson, suivi par une ascension brutale de la
température, une céphalée atroce et constante, et l’évolution se fait vers la prostration profonde, l’obnubilation et l’exanthème( éruption généralisée sur tout le corps sauf la visage). Vers le dixième- quinzième jour, le malade succombe dans le coma.
Les antibiotiques et les insecticides pour tuer les poux n’arriveront qu’après la deuxième guerre mondiale.. Les seuls solutions pour enrayer l’expansion de cette redoutable maladie étaient prophylactiques. Ils consistaient en : le repérage et la destruction des foyers d’infection, en brûlant les couvertures, les nattes et les vêtements, l’isolement des patients atteints,le rasage des crânes, lavage à l’eau bouillante de leurs effets
Les anciens Outatiens qui avaient vécu l’épidémie du Typhus au début des années 40, n’oublient toujours pas les séances systématiques d’épouillage effectuées dans leur ksars. Leur témoignages concordent pour dire que les ksouriens supportaient mal ces séances qu’ils trouvaient très humiliantes
En 1942-43, arrivait à Midelt le Dr Paul Chaubet qui empruntait son nom à l’hôpital de 120 lits construit en 1952 non loin de l’infirmerie ( voir annexes).
En 1948, le premier poste chirurgical est crée au Tafilalet par une doctoresse hors pair, Dr Elisabeth La Fourcade, très connue dans la région de Ksar Souk et de Midelt de l’époque par la « sirurgiana ». Elle était la seule chirurgienne pour une population de plus de 100.000 habitants répartie sur un territoire de 400 Km du Nord au Sud, et presque autant de large. Elle desservit, en même temps que l’hôpital de Ksar Souk les hôpitaux annexes Midelt et Erfoud, à jours fixes, mais aussi pour répondre aux urgences intransportables. ( témoignage de Dr Maxime Rousselle)
En 1947, le Dr Louis TONELLO est affecté comme médecin à Midelt, il s’occupait de l’infirmerie et faisait des consultations hebdomadaires au dispensaire de Mibladen. C’était lui qui avait milité pour la reconnaissance de cette grave maladie qu'est la silicose en tant que maladie professionnelle ( Voir chapitre des mines). En 1953, ce grand médecin quitte Midelt pour Berkane, en 1956, il devint coopérant et fut nommé Médecin Chef de la région d’Oujda, et de Juillet 1959 à 1956, il devint directeur de l’hôpital d’Avicennes. Dr Tonello ne quitte le Maroc qu’en 1978.
En 1951, un autre grand médecin arrive à Midelt. C’est le Dr Maxime Rousselle, mon grand ami du net, aujourd’hui âgé de 89 ans, et toujours actif et derrière son clavier, dans tous ses messages, il n’arrive jamais à oublier cette région de la Haute Moulouya qu’il porte dans son cœur. Il est très connu par son bouquin, “le toubib du bled”. Il avait servi à Tounfite et à Itzer, à côté de La Fourcade et de Tonello avant d’aller à Rabat où il s’est occupé du service d’hygiène jusqu’à son départ en 1975.

En 1965, une sœur franciscaine, surnommée la toubiba, prendra la direction de l’hôpital de Midelt. Les anciens Mideltis, ont gardé bonne impression de cette sœur qui avait servi avec abnégation.

jeudi 10 août 2017

Le destin de Mouna Lahmoum- 4

Said Ouyouhena, trente ans, cheveux courts, mise correcte. Il est très connu dans son milieu pour son sérieux et son hônneteté.
Il était très pauvre, il rêvait d'être quelqu'un, il est instituteur, un noble métier.
Said fait partie, depuis maintenant trois ans, de ces téméraires enseignants du cercle d'Imilchil. Il travaille à proximité d'un village aux reliefs accidentés, au climat vigoureux, mais aux hommes affables : Aghedou. Un village qui n'a pas d'âge, comme s'il était conçu avec ses habitants . Pour arriver à sa classe, l'instituteur Said doit continuer trois à quatre heures à pieds dans le lit d' un Oued
 ( akka nouid), bien au delà du lieu où les bulldozers de l'état avaient fait demi tour.

Fadma Lhou connaissait bien la famille des Ait Ouyouhena, une famille respectable.
Elle trouve que Said possède toute la panoplie d'un future mari. Elle valide avec joie le mariage de sa petite fille avec l'instituteur. Les fiançailles ont eu lieu seulement quinze jours avant la disparition de Mouna. C'était des fiançailles toutes simples, juste dans le plaisir et le bonheur , célebrées dans la pure tradition locale en campagnie des familles et des amis.

Le mois d'Aout et les vacances de cet été sont de tristes périodes pour Said. Il passe ses jours à  flâner : flânerie d'amertume et de vide, dégoût du monde et de la vie elle même. Et quand il revient chez lui, il s'enferme pour être seul avec ses pensées. Les images de sa bien aimée ne le quittent pas un seul instant. Il la revoit dans toute sa beauté radieuse et son sourire qui illumine son visage d'une franche gaîté.
Et le mystère reste totale...

mardi 8 août 2017

Le destin de Mouna Lahmoum - 3

Vingt cinq mois après l'obtemption de diplôme en hôtellerie, Mouna ne trouve toujours pas d'emploi. Elle s'ajoute au grand lot de chômeurs.

Chaque matin, au moment où sa grand mère s'adonne au tissage de couvertures ( ihedans) Mouna rejoint le cybercafé le, plus proche. Et comme à chaque fois, elle consulte d'abord ses mails . Et avant que la liste des messages ne s'affiche sur l'ecran, son cœur bat la chamade.
Elle a besoin de réponse positive. Malheureusement il n'en est rien. Sinon, les sempiternelle réponses automatiques. Mouna a compris que le responsables des ressources humaines ne lisent pas les lettres de motivation et qu'ils ne prennent pas le temps d'envoyer une réponse même négative.

Elle est décue, sa passion pour le tourisme est sa motivation pour le poste auquel elle postule ne sont pas prises en considération par les responsables des établissements touristiques de sa région qui embauchent le plus souvent des personnes qui n'ont aucune connaissance du domaine touristique et hôtellier. Ils ignorent la valeur ajoutée que peut leur apporter un diplômé dans le domaine. Elle est désolée de savoir que son CV et ses lettres de motivation sont oubliés dans les boites mail de tous les établissements touristiques qu'elle a contacté.

A chaque sortie bredouille du cybercafé, elle a envie de s'enkyster chez elle et de ne plus sortir. Un dégout mortel l'innonde. Elle se sent affaiblie.

Un jour, un imprévu s'est produit. Au lieu de recevoir un email l'invitant à un entretien pour éventuelle embauche, elle recoit une demande en mariage. Ce message lui procure une grande joie qui frappe de futilité toutes les hypothèses d'embauche. Elle ne réplique pas sur le champs, elle se donne un temps de reflexion où l'avis de sa grand mère tient toute son importance.